PREDIRE

Visibilité des femmes dans la recherche, le déclic par une conférence ?

La faible représentativité des femmes dans le domaine universitaire et de la recherche au Mali est une réalité alarmante et urgente à adresser. La conférence sur « l’engagement et la visibilité des femmes dans la recherche » organisée par le NIMD, dans le cadre de la mise en œuvre de son Programme de Recherche et de Dialogue pour la Refondation (PREDIRE), en partenariat avec plusieurs structures dont le Réseau des Femmes Universitaires Enseignantes du Mali (REFUE-MA), l’Association des Femmes Africaines pour la Recherche et le Développement AFARD-Mali, le LMI MaCoter et la Faculté des Sciences Administratives et Politiques, a fait l’état des lieux et proposer des pistes concrètes. Cette conférence organisée le jeudi 7 août intervenait dans le cadre de la journée internationale de la femme africaine célébrée le 31 juillet de chaque année.

Des chiffres qui font froid dans le dos

Les femmes ne représentent que 16% des chercheurs, selon une note d’analyse produite et présentée par des alumni chercheurs du NIMD à l’occasion de cette rencontre. Ce taux est de moins de 15% (corps professoral) dont moins de 5% pour les postes de responsabilité selon la professeure Jacqueline Konaté Sogoba, directrice du centre de l’intelligence artificielle et de la robotique du Mali, une autre intervenante de la conférence.

Selon une étude de Dr Fatoumata Fofana, en 2019, il y avait une (1) seule femme au niveau des vingt-cinq (25) hauts postes au sein de l’ensemble des facultés et instituts de l’enseignement supérieur malien (doyens, directeurs, chefs de départements). Et cette seule femme occupait le poste de directrice adjointe.

Autre fait souligné par la prof Jacqueline Konaté Sogoba, « La participation des femmes est quasi-nulle dans les organes où se prennent les décisions stratégiques. Leur absence à ces niveaux leur est préjudiciable, car leurs intérêts ne sont pas directement défendus. »

Pourtant ce n’est pas faut d’aller massivement à l’école pour les filles

La conférencière a souligné que les effectifs des filles sont supérieurs à ceux des garçons au niveau de l’enseignement fondamental. Mais au fur et mesure, on perd les filles. Par exemple les filles représentent 40,2% des élèves au lycée et elles ne sont plus que 29,6% au supérieur. Ce qui amène à se poser des questions.

Une phobie des sciences 

Seulement 20,69% des étudiants sont dans les filières scientifiques, technologiques et mathématiques. Désagrégeant cette donnée, on se retrouve avec 4,52% de filles dans ces domaines, révèle la prof Konaté dans sa présentation.

Les causes profondes du phénomène

Parmi les causes de cette situation, on peut noter :

  • les pesanteurs socioculturelles qui relèguent la femme au rôle de gardienne du foyer ;
  • la priorité donnée à l’éducation des garçons ;
  • les mariages précoces et la pression sociale pour fonder une famille.

Des propositions concrètes pour changer la donne 

Pour la professeure et pour les autres intervenantes de la conférence, promouvoir la voix de femmes parmi les chercheurs, n’est pas qu’une question d’équité sociale, mais c’est plutôt un enjeu existentiel et de développement étant donné que les femmes représentent la moitié de la population. Pour ramener la part des femmes à des proportions acceptables dans le monde de la recherche, il a été proposé d’agir sur ces quelques leviers :

  • Sensibiliser les filles et leurs parents sur l’importance et les débouchés des carrières scientifiques.
  • Organiser des camps d’excellence en sciences pour les jeunes filles afin de créer des vocations (ex : Fondation Pathfinder).
  • Promouvoir les modèles de réussite féminins dans les sciences pour susciter des vocations chez les filles
  • Équiper les établissements en laboratoires et matériels didactiques pour rendre les sciences plus concrètes et attractives.
  • Mettre en place des centres d’isolement pour les chercheuses.

Vibrant appel pour une cause noble

La professeure Jacqueline Konaté, fort de ce constat lance cet appel structuré :

  • Aux décideurs politiques : faire appliquer les lois et à allouer les ressources nécessaires.
  • Aux dirigeants d’universités : transformer leurs institutions en espaces réellement égalitaires.
  • Aux enseignantes-chercheuses : continuer de se soutenir mutuellement et à être des modèles.
  • A la société civile et les familles : déconstruire les stéréotypes et à encourager les ambitions de leurs filles.